
C’est en 2010 qu’on avait eu le plaisir de découvrir la très talentueuse Mizu Sahara avec l’excellent titre My Girl chez Kazé Manga. Preuve que l’éditeur a toute confiance en elle, puisqu’on a pu découvrir par la suite le one-shot Un bus passe. Et c’est avec une série qui va prochainement s’achever qu’on peut à nouveau la lire. Et encore une fois, la mangaka sait toucher là où il faut. Découverte du volume 1 !
Résumé :
Deux collégiens aux passions contrariées. Le hasard d’une rencontre. Des chaussures rouges échangées. Devenu lycéen, Kimitaka découvre que suite à ses encouragements, Takara, la fille à qui il a confié ses baskets, s’épanouit le ballon à la main. Inspiré, il décide à son tour de ressortir les souliers rouges pour se lancer dans le flamenco… et, peut-être, se trouver lui-même.
Source : Kazé.
Avis :
« Changer la vie des autres, ce n’est pas à la portée du premier venu. Qu’est-ce que les gens qui y arrivent ont de si spécial? » (Kimitaka) – Tome 1
Appréciant grandement le travail de Mizu Sahara, je me suis penchée sur ce titre bien avant la licence. Aussi, j’ai été ravie quand Kazé a annoncé sa publication. Tout d’abord, j’ai été surprise quand j’ai découvert que c’était un shônen (magazine de prépublication oblige), ne connaissant absolument pas la mangaka dans ce registre. Et à la lecture de ce titre, j’ai plus envie de dire que c’est un shônen tirant vers le seinen tout de même. La catégorisation de l’éditeur me paraît plutôt juste. Quoi qu’il en soit, j’ai retrouvé cette douceur et mélancolie qui caractérise si bien les œuvres de la mangaka.
Ainsi, découvre-t-on le jeune Kimitaka, lycéen qui semble se traîner comme si la langueur était collée à lui. Comme d’habitude, il retrouve son grand-père dans la maison familiale. Un grand-père attachant mais qui semble un peu perdre la tête. Comme d’habitude, il emprunte la route pour aller jusqu’à son école qui se trouve très loin car il préfère s’isoler et ne pas avoir d’amis. Et comme d’habitude, c’est totalement désillusionné qu’il affronte chaque jour la même routine. Il faut dire que l’adolescent cache en lui un traumatisme. Très tôt, il éprouve une véritable passion pour le basket et se pense même très bon. Cela l’a incité à pousser ses camarades à jouer. Mais voilà, les élèves ont dépassé le maître et touché dans son orgueil, Kimitaka va commettre un acte répréhensible et se mettre à dos ses camarades. Isolé, le garçon va peu à peu abandonner sa passion…

A présent, plus âgé, Kimitaka vit avec cette idée comme s’il s’était résigné. Il ne joue d’ailleurs plus au basket et paraît se complaire dans sa complainte. Mais voilà, les choses vont changer quand il va faire la rencontre de Takara, une jeune fille qu’il se souvient avoir croisé dans son ancien collège. D’ailleurs, son image lui apparaît comme plus prégnante quand il se rend compte qu’il avait échangé avec elle quelque chose de très important à ses yeux : alors qu’il s’apprêtait à jeter la paire de baskets rouges offerte par son grand-père, la jeune fille s’apprêtait à faire de même avec sa paire de chaussures de flamenco car elle aussi venait de vivre une désillusion. Trop grande, avant des mains et pieds jugés trop grands également, Takara estime ne pas avoir la grâce nécessaire pour faire du flamenco. En somme, c’est parce que chacun sent qu’il est inadapté à faire ce qu’il aimerait faire qu’ils en sont venus à vouloir rejeter leur passion. Comme un symbole, ils décident d’échanger leurs chaussures sans se douter que c’est le début d’un renouveau pour les deux.
« Je passais mon temps à chercher des défauts aux autres et à les critiquer sur le forum du collège… Au fond, je savais que j’étais en train de mal tourner. » (Kimitaka) – Tome 1
Autant le dire, on se laisse très rapidement charmer par les premières pages du Chant des Souliers Rouges. Le côté doux et nostalgique que j’ai énoncé ci-dessus est réellement la caractéristique majeure que l’on retrouve d’emblée. Mais c’est aussi un talent indéniable pour la narration qui est assez marquant. Comme toujours, la sensibilité y est bien intégrée et se veut à la fois introspective et subtile.
« J’ai toujours détesté ma taille, mes mains et mes pieds… » (Takara) – Tome 1
Il n’est donc pas surprenant que l’on se plonge avec aisance dans les tourments du jeune Kimitaka. Et même si l’acte commis plus jeune est peu glorieux, on ne peut s’empêcher d’avoir un élan de compassion pour lui. C’est un péché d’orgueil qu’il commet en réalité et se rendant compte, trop tard, de son erreur. Aussi, le voir aussi éteint a quelque chose d’assez triste pour être honnête. On a l’impression que tout s’est arrêté pour lui depuis le collège. Sa difficulté à avancer est réellement marquante mais permet à Mizu Sahara d’aborder avec beaucoup de tact des thèmes qui peuvent inhérents chez chaque être humain : la confiance en soi, la désillusion, le regard que l’on peut porter sur son corps, accepter ses erreurs également. On arrive réellement à s’identifier à certains de ces thèmes. On se doute que le parcours de Kimitaka ne se fera pas dans la facilité mais le fait qu’il pourrait retrouver une passion devrait donner un réel intérêt pour la suite du récit.

Il demeure que l’une des questions majeures est sans aucun doute le fil directeur du récit et qui ouvre le tome : « Changer la vie des autres, ce n’est pas à la portée du premier venu. Qu’est-ce que les gens qui y arrivent ont de si spécial ? » Kimitaka s’interroge car quelque part, est-ce que cette rencontre avec Takara n’était pas déjà un signe ? Le garçon demeure encore troublé mais pour l’aider à répondre à ses interrogations, la mangaka introduit divers personnages qui pourraient intervenir comme des soutiens. On pense déjà à Takara dont on attend les interactions car il est fort à parier que les deux personnages sont destinés à se revoir. Je pense que tous deux ont beaucoup à s’apporter, et j’attends de voir où cela pourra déboucher. Mais comme je l’ai plus ou moins ressenti, ce titre tend davantage vers le seinen en montrant comment le personnage vit son isolement notamment. Seul à l’école, Kimitaka paraît avoir du mal à s’intégrer. On sent que les deux personnages traînent un mal-être qui les conduit à s’exclure en quelque sorte. Ensuite, on peut penser à son grand-père qui derrière son côté sénile semble toucher par la détresse de son petit-fils. J’ai l’impression que c’est pour cette raison qu’il est constamment jovial. De même que sa mère apparaît comme la figure soucieuse qui espère que son fils se fera à nouveau des amis. Ce qui pourra surprendre, c’est la découverte de sa jeune sœur sur la fin du volume alors qu’elle semble être très importante pour le jeune homme. Mais là encore, des non-dits expliquent pas mal de choses. On peut penser qu’elle sera un soutien indéfectible pour lui. Enfin, les premiers amis de Kimitaka : Hana et Tsubara pourraient eux aussi apparaître comme des renforts d’autant qu’on découvre qu’à l’instar du héros, ils souffrent aussi de problèmes d’intégration. Tout ce petit monde est parfaitement installé dans le récit et la mangaka arrive très rapidement à nous faire comprendre qu’ils auront tous une implication.
Le côté sportif est bien présent, puisque notre personnage Kimitaka aime le basket. Mais en raison d’un traumatisme dans son enfance, il a du mal à savoir comment l’aborder à présent. Par ailleurs, son côté introverti fait qu’il n’ose pas vraiment prendre les devants. La mangaka en l’espace de quelques chapitres parvient parfaitement à caractériser ce personnage qui aimerait faire plus, mais qui semble aussi se mettre des barrières. On n’est pas dans un pur shônen pour autant, car on sent qu’il y aura un travail psychologique avant que le personnage ne s’épanouisse réellement. Pour le moment, je ne sais pas encore comment le sport mais aussi la danse seront davantage intégrés, mais je pense que la présentation des personnages et ensuite l’introduction de nouvelles têtes n’est pas étrangère à l’évolution future de notre protagoniste. J’avais un peu peur que la mangaka ait du mal avec les scènes de basket, mais j’ai plutôt été étonnée par la fluidité de celles-ci. Sans être aussi pointues qu’un shônen comme Dream Team ou Kuroko’s Basket, les scènes bénéficient d’un bon dynamisme.
« Je suis le dernier des imbéciles!! Mais je veux changer!! » (Kimitaka) – Tome 1
Autre point que j’ai plutôt apprécié, c’est l’apport des adultes. Je pense que je m’exprime un peu mal, mais j’ai remarqué que les paroles des adultes (la mère ou le grand-père de Kimitaka) comme les rencontres (avec la vieille dame notamment) ont une résonance pour Kimitaka. Doucement, mais sûrement, il semble s’éveiller et sortir de sa torpeur. Comme toujours avec la mangaka, le tout est amené avec une grande subtilité et un côté mélancolique dû notamment aux réflexions du jeune homme. La dimension sociale est marquée, mais pas omniprésente non plus. Juste ce qu’il faut pour que l’on puisse apprécier l’évolution. L’histoire que la vieille dame raconte sur sa petite-fille pourrait presque sembler être un déclencheur.
Graphiquement, le trait de Mizu Sahara a toujours été assez atypique dans l’ensemble. S’il y a toujours ce même problème au niveau des oreilles (je dois faire une fixation là-dessus lol), l’esthétique se veut toujours fine et en adéquation avec la tonalité mélancolique du récit.
L’édition servie par Kazé est tout à fait concluante. Les premières pages couleurs sont appréciables et la qualité d’impression est plus que correcte.
En somme, Le Chant des Souliers Rouges offre une très jolie entrée en matière. C’est toujours avec beaucoup de sensibilité que la mangaka aborde les troubles des personnages. Cela ne peut présager que du bon !
Informations :
Titre VO : 鉄楽レトラ
Titre traduit : Tetsugaku Letra
Genres : seinen, shônen, drame, tranche-de-vie, psychologique, sport, romance
Nombre de tomes VF/VO : 6/6 (Terminé)
Auteur : SAHARA Mizu
Édition VF : Kazé
Prix : 8,29€
Extrait en ligne : Le Chant des Souliers Rouges T.1
Note : ★★★★☆
Une saga que je vais tenter de découvrir prochainement, maintenant que tous les tomes sont parus. J’aime beaucoup ta critique de ce tome 1, qui donne envie de se lancer.
J’aimeAimé par 1 personne
Mizu Sahara est une mangaka qui ne me déçoit jamais. J’espère qu’il te plaira ^_^
J’aimeJ’aime